Mauritanie : Etre maire, non merci !

9 octobre 2013

Mauritanie : Etre maire, non merci !

Les ordures, un problème de santé publique à Rosso (photo: Sneiba)
Les ordures, un problème de santé publique à Rosso (photo: Sneiba)

En Mauritanie, la frénésie des élections municipales et législatives s’empare de tout le monde. Politiques et citoyens lambda confondus. Après les péripéties de la course à l’investiture, surtout au niveau de l’Union pour la République (UPR), parti au pouvoir en Mauritanie, place maintenant à la chasse aux voix. La course est donc lancée. Sans que l’on sache que c’est la ruée vers les problèmes. Oui, je n’exagère pas.

De passage à Rosso, capitale du Trarza, j’ai mesuré l’ampleur de la tâche qui attend le futur maire de cette ville-frontière, bâtie au bord du fleuve Sénégal et dont les populations constituent le meilleur témoignage du brassage culturel en Mauritanie et des liens séculiers qu’elle entretient avec son voisin du sud.

La plaine de M'pourié à Rosso (photo : Sneiba)
La plaine de M’pourié à Rosso (photo : Sneiba)

Rosso s’est présentée à moi comme la ville de tous les paradoxes. Entre des potentialités économiques certaines et un mal développement visible à l’œil nu. Exaspérant même. Impossible d’aimer cette ville si on n’est pas l’un de ses « fils » comme on dit. Si la cité minière de Zouerate est présentée comme la « ville la plus propre de Mauritanie », Rosso est, incontestablement, celle qui ploie sous le poids des ordures. Le maire sortant, non reconduit, a certainement dû payer pour cet aspect sombre de sa gestion. Il devait comprendre que, depuis 2005, les Mauritaniens ont appris, la pratique aidant, à dire « non ». Ils subissent durant cinq ans mais se révoltent en fin de compte pour empêcher le retour aux affaires des élus fainéants. Et le parti au pouvoir est désormais obligé de jouer le jeu. Pour éviter les frictions. Eviter surtout qu’on assimile ses rapports avec la base à ceux du défunt PRDS.

Le marché de Rosso, en face de l'hôpital (photo: Sneiba)
Le marché de Rosso, en face de l’hôpital (photo: Sneiba)

Des observateurs avertis trouvent « compréhensibles » le déboulonnage de la plupart des maires UPR des grandes villes : Nouadhibou, capitale économique du pays, Néma, ville frontalière avec le Mali et porte des échanges avec Bamako, le Niger et la Cote d’Ivoire, Kiffa, deuxième concentration urbaine après Nouakchott, le Ksar (l’une des 9 communes de la capitale) et…Rosso. Le maire qui aura à gérer les affaires de cette cité, après les élections du 23 novembre prochain, doit faire face à des problèmes de toutes sortes. Dont le moindre n’est pas celui de l’assainissement.

Une école de la ville de Rosso (photo: Sneiba)
Une école de la ville de Rosso (photo: Sneiba)

L’approvisionnement en eau potable est l’un des principaux soucis de la ville, malgré les financements que le maire sortant a mobilisé, selon les dires d’un journal local¹. Approvisionnée à partir du fleuve, Rosso fait face aux problèmes de son extension. Les promesses du maire sortant de faire venir l’eau jusqu’au PK 7 sont restées lettre morte. A cause d’un obstacle technique : L’installation de l’ASCOM (OMVS²) ne pouvant supporter un tel projet, il faut un tuyau de 300 mm de diamètre branché sur l’ancien château d’eau. Le programme non réalisé par l’actuel maire de la ville constituera, sans nul doute, le principal défi pour son successeur. Parce qu’il en va de l’avenir de la nouvelle ville de Rosso que l’Etat a construite comme solution aux inondations de 2009.

La nouvelle ville, un début de solution

Site de la nouvelle ville de Rosso (photo : Sneiba)
Site de la nouvelle ville de Rosso (photo : Sneiba)

Le principal problème des villes mauritaniennes est d’abord qu’elles ont été construites sans plan directeur. Il s’agissait, au départ de bourgs, de villages où tout s’emmêle : activités agricoles, élevage et commerce ! L’exode rural, suite à la grande sécheresse du début des années 70 du siècle dernier, a contribué à l’expansion de ces villes « sans visage », avec la naissance de quartiers qui portent bien leur nom : kebba (dépotoir) et gazra (squat). Un phénomène d’urbanité sauvage que l’on a surtout observé dans les villes de Nouakchott et de Nouadhibou mais qui, à Rosso, à donné le quartier de Satara ainsi que d’autres « M’Aîvissa » (la forcée), à Aleg, et « El Moussafrine » (rapatriés) de Boghé.

Le village des pêcheurs à Rosso (photo : Sneiba)
Le village des pêcheurs à Rosso (photo : Sneiba)

A Rosso, la création d’une nouvelle ville a le double avantage de trouver une solution aux inondations et de dégager l’espace « vital » de la capitale du Trarza, à savoir le fleuve pour en profiter pleinement dans le domaine de  l’agriculture, de l’industrie, la navigation et la pêche. Mais quatre ans après le lancement de ce projet, avec la réalisation des infrastructures de base nécessaires (routes, hôpital, électricité, bâtiments administratifs, etc, les populations rechignent à aller occuper leurs nouveaux terrains. L’on espère cependant que le candidat du parti au pouvoir, l’actuel ministre du Commerce, de l’industrie, de l’artisanat et du tourisme, Bemba Ould Dramane, s’il parvient à se défaire de ses principaux rivaux de l’APP, Al Wiam, de Tawassoul et du Sursaut, pourra réaliser les promesses non tenues d’un maire élu sous les couleurs du RFD (opposition) et passé, peu de temps après, dans le camp du pouvoir.

1. Mauritanies1 n°33 du 1er septembre au 10 octobre 2013 

 2. Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (Guinée, Mali, Mauritanie, Sénégal)

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