Autour d’un thé

Article : Autour d’un thé
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16 mai 2013

Autour d’un thé

Amis Mondoblogueurs, je partage avec vous ce billet de mon frangin, journaliste au Calame. Et je demande à l’avis de FLORIAN : Peut-il faire « carrière » chez-nous ?

Journée internationale de la liberté de la presse. La Mauritanie y occupe une place de choix, dans le monde arabe. Y a qu’en

Crédit photo: Cridem.org
Crédit photo: Cridem.org

Mauritanie qu’on peut insulter un Président. Y a qu’en Mauritanie qu’on peut évoquer sa vie privée. Ya qu’en Mauritanie que les délits de presse sont dépénalisés. Regardez autour de vous.

Ailleurs, des journalistes sont journellement emprisonnés. Souvenez-vous. Qu’est-ce qu’on n’a pas dit sur la balle de ce lieutenant qui a failli tuer le Président ! De cette rocambolesque histoire de drogue ! Des supposés marchés de gré à gré ! De tout. Libéralisation de l’espace audiovisuel : télés et radios libres, organes de contrôle et de régulation. Regardez autour de vous, y a qu’en Mauritanie qu’il y a ça..

Et puis, en ce moment précis, de notre histoire, l’azizienne. Pas avant ça, messieurs-dames. Pourtant, ils étaient bien là, les gars, les autres, les amigos.

Rendons donc à Aziz ce qui appartient à César. Plusieurs ministres de la Communication en deux, trois ans. C’est novateur. Des milliers de journalistes pour une centaine de journaux et de feuilles de chou. Nouveau ministre. Nouveaux objectifs. Egalité, justice et responsabilité. Toute la presse se vaut. Tous les journalistes se valent. Subvention de deux cents millions. Mais c’est beaucoup ! Regardez autour de vous. Ici, c’est l’Ouguiya. Là-bas, le CFA..

Faites le change. C’est beaucoup, hein, d’argent, pour juste quelques journaux apparents et d’autres qui le sont moins. En 2013, y a eu, au moins, cinquante séminaires, ateliers, forums, rencontres, journées de réflexion, journées de sensibilisation, vulgarisation et autres évaluation, intégration, motivation, au profit de la presse.

Ça, y a pas : qu’est-ce qu’on réfléchit, qu’est-ce qu’on est sensibilisé, vulgarisé, évalué, intégré et, surtout, motivé, en Mauritanie ! Et pas que les hommes : voyez l’association des femmes journalistes ! Regardez autour de vous. Responsabilité. C’est le mot de cette année. Traiter l’information avec responsabilité. Pour ce mot, le ministère a organisé, au moins, deux semaines de manifestation, sur la base de gigots succulents et de boissons rafraîchissantes.

Y a pas, ça motive. Débats, émois, droits. Soirées-débats. Dîners-débats. Rencontres-débats. Radio nationale : des bas ; télévision nationale, des très bas. Bah ! DG imprimerie, DG agence mauritanienne d’information, DG télévision et ministres de la communication, de 2008 à nos jours, femmes et hommes prétendument ou véritablement journalistes, froufrou de boubous neufs ou exagérément amidonnés, mélefas de tous les goûts et de toutes les couleurs, pour la fête et la promotion de la responsabilité dans le traitement médiatique.

Des centaines de millions, pour un mot de l’actualité : rougis, Ivan Amar ! Passage en revue des problèmes de la presse. Logiquement, pour faire réparer sa radio, on ne va pas chez le cordonnier. Et pour se coiffer, on ne va pas chez le mécanicien. Faut être responsable. Mais, bon, la polyvalence, ça existe..

On peut être douanier, éminent politicien, bon conducteur de taxi et, donc, excellent ministre de la Communication. La responsabilité recommande de placer les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. C’est vrai, un douanier peut bien être un excellent ministre de l’Information. Mais il peut, tout aussi bien, ne pas l’être. La preuve. Dans la vie, ça peut commencer mal et bien finir. Comme ça peut bien commencer et mal finir. Et ça peut mal commencer et mal finir.

Et ça peut, encore, bien commencer et bien finir. Mais ça peut, aussi, ne jamais commencer et, donc, ne jamais finir. Ya une chose dont personne n’a parlé, à l’occasion de cette fête de la presse : L’impact des prestations journalistiques sur le comportement des gouvernants.

En quoi les éditoriaux, les chroniques, les beaux articles, les enquêtes et les reportages influent-ils sur l’attitude des gens qui nous gouvernent ? Est-il arrivé qu’un ministre, voire un Président, démissionne, suite à un article de presse bien fouiné ? Ou qu’une politique soit réorientée, voire abandonnée, à cause d’une révélation canardeuse?

A quoi ça sert, alors, une liberté de presse sans impact sur les décideurs ? Les journalistes écrivent ou parlent et les gouvernants agissent, indifféremment. Comme quoi la caravane aboie et les chiens passent.

Sneiba El Kory, Journaliste au « Le Calame » (Mauritanie)

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