Gouvernement : On ne change pas une équipe qui perd !

Article : Gouvernement : On ne change pas une équipe qui perd !
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25 décembre 2012

Gouvernement : On ne change pas une équipe qui perd !

Le Premier ministre, Moulay Ould Mohamed Laghdaf
Le Premier ministre, Moulay Ould Mohamed Laghdaf (Crédit photo: Rfi)

Les Mauritaniens désespèrent de voir le président Mohamed Ould Abdel Aziz déjouer leurs pronostics depuis plus d’un an. Depuis que le mandat des députés et des maires est achevé, l’on a glosé sur la nécessité de circonscrire la crise par la formation d’un gouvernement d’union nationale destiné à impliquer l’opposition, dans ses deux composantes, dans la gestion des affaires du pays, en attendant l’organisation d’élections municipales et législatives. Cette attente a encore été plus grande, quand le président Aziz a été blessé  par balle, le 13 octobre dernier, et que la Coordination de l’opposition démocratique (COD) commençait à évoquer la vacance du pouvoir trouvant trop long le séjour de plus d’un mois du président de la République en France « pour raison de santé ».

Tout cela n’a pas fait bouger d’un iota la position  du rais : Pas de changement avant les élections municipales et législatives et, surtout, pas de gouvernement d’union nationale, comme le suggère clairement l’initiative du président de l’Assemblée nationale, Messaoud Ould Boulkheir. Cela veut dire, pour ceux qui ne l’ont pas encore compris, qu’Aziz est décidé à poursuivre – jusqu’aux élections dont la date n’est pas encore précisée – avec l’attelage conduit par le Premier ministre, Moulay Ould Mohamed Laghdaf !

Les raisons objectives d’un tel choix sont à chercher dans le fait que le pouvoir a réussi à résister, jusque-là, aux bourrasques de ce qu’ailleurs on a  appelé le « printemps arabe ». Ni les manifestations de l’opposition, ni celles d’autres mouvements contestataires (Jeunesse du 25 février, TPMN, IRA, étudiants, professeurs, rapatriés de Libye et de Cote d’Ivoire) n’ont réussi à ébranler un pouvoir solidement assis sur le soutien d’une majorité du peuple mauritanien, si l’on en croit les résultats de la Présidentielle de juillet 2009 qui a donné à Mohamed Ould Abdel Aziz plus de 52% des voix, et sur une armée devenue subitement « républicaine ». Comme en atteste son comportement exemplaire durant les 40 jours d’absence du Rais en France assimilés, un peu trop hâtivement par la COD, à une « vacance » du pouvoir parce que le gouvernement avait bénéficié, lui aussi, d’une sorte de « repos biologique ». Cinq semaines sans conseil des ministres ! C’est du jamais vu dans l’histoire de la République islamique de Mauritanie. Les rumeurs de coup d’Etat avaient bien circulé mais la réapparition du président, à travers des correspondances avec des personnalités nationales de premier plan, et l’attitude stoïque du chef d’état-major de l’armée, le général de division Ould Ghazouani, ont fini par convaincre les mauritaniens qu’Ould Abdel Aziz continuait bel et bien à diriger le pays, même quand il n’était pas là.

On peut aussi expliquer le maintien du gouvernement par l’absence de pressions réelles, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Car malgré le « Aziz dégage » de la COD, la sérénité n’a jamais quitté le palais présidentiel, même quand l’opposition avait réussi ses plus beaux – et plus grands – meetings (14 mars 2012, 24 juin 2012, 1 novembre 2012, 22 décembre 2012). Le pouvoir a finalement compris qu’il ne s’agit que de manœuvres destinées à le pousser à l’erreur (répression sauvage des manifestants) ou à faire des concessions. Ce que confirme d’ailleurs très bien les récentes déclarations de Jamil Mansour, réélu à la  tête du parti « Tawassoul », et qui appelle, sans détours, à des « concertations entre les différents partenaires politiques devant déboucher sur une période de transition et la préparation d’élections générales (présidentielle, législatives et municipales).

Sur le plan extérieur, la COD n’arrive pas encore à intéresser à la « crise » mauritanienne qui, apparemment, n’est pas regardée avec le même prisme que celle du 6 août 2008 par l’Union européenne, l’UA et l’Onu. Il est vrai que ce qui oppose aujourd’hui le pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz à la COD n’est que la conséquence de son coup d’état contre le président Sidi Mohamed Ould Abdel Aziz, transformé en « Rectification » (légitimé) et démocratisé (légalisé) par l’élection présidentielle du 18 juillet 2009. L’interpellation de la communauté internationale sur la nécessité d’un dialogue national inclusif, réclamé par la COD, bute sur le refus du pouvoir et de l’opposition (la Coalition pour une Alternance Pacifique) de revenir sur celui mené en octobre 2011 et dont les résultats sont considérés aujourd’hui, sauf par la Coordination, comme des acquis démocratiques certains.

En dehors de ça, Il n’est pas question maintenant d’interpréter un éventuel changement comme un signe d’échec ou d’instabilité caractérielle d’un pouvoir qui n’inscrit rien dans la durée. Même si ce ne sera pas une telle vision qui empêcherait Ould Abdel Aziz de faire le changement (chambardement ou léger remaniement) s’il pense que c’est nécessaire. S’il a choisi de laisser encore le Premier ministre, Moulay Ould Mohamed Laghdaf en place, c’est qu’il juge que l’homme peut encore lui être utile. Une réflexion présidentielle, universellement établie, veut qu’on s’assure toujours qu’un second a d’abord pour rôle essentiel de servir de fusible quand les choses commencent à se gâter. Pour l’instant, les mauritaniens apprécient largement que le président de la République prenne les choses en main lui-même. Tous les responsables vous le disent aujourd’hui : rien n’est plus comme avant. La prudence est de mise pour ne pas être limogé ou même jeté dans le gnouf. Les ministres, eux-mêmes, « pâtissent » de cet excès de contrôle présidentiel puisqu’ils ne peuvent plus user – et abuser – de leurs prérogatives gouvernementales pour distribuer les faveurs à leurs parents, amis et proches. Ce qui pouvait donc amener Ould Abdel Aziz à pousser vers la porte son actuel Premier ministre, avec une bonne partie de son équipe, se trouvait ailleurs. Dans cette incapacité du gouvernement à donner une visibilité à son action économique et sociale. Et pour l’instant, on ne peut pas dire qu’il a joué de malchance puisque le FMI, la Banque mondiale et la quasi-totalité des partenaires au développement de la Mauritanie louent son action. La question qui se pose maintenant est de savoir à quel moment le président de la République aura atteint le seuil de conviction pour dire « ça suffit, on rebelote ».

 

 

 

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