Drogue : La Mauritanie est-elle vraiment « dedans » ?

Article : Drogue : La Mauritanie est-elle vraiment « dedans » ?
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27 novembre 2012

Drogue : La Mauritanie est-elle vraiment « dedans » ?

Photo: AVOMM.COM

Il y a, incontestablement, une question qui creuse les méninges, un paradoxe en Mauritanie : d’où vient tout cet argent qui fait pousser, comme des champignons, des villas cossues sur un océan de sable, qui inonde nos marchés de produits de toutes sortes, venant de tous les coins du monde, qui obstrue les avenues et les rues de Nouakchott par des dizaines de milliers de voitures de plus en plus luxueuses ?

Comment se fait-il que dans un pays réputé pauvre parmi les pauvres (46% des Mauritaniens vivraient avec moins d’un dollar US par jour), une nomenklatura économique, une classe de nouveaux riches se met, subitement, à disputer le leadership des affaires avec les vieilles fortunes du pays alors qu’elle n’a pas de « capital » visible ?

Ni usines, ni fermes à l’américaine, ni sociétés de services ! Ces questions, personne ne se l’est posées vraiment jusqu’à l’éclatement – vraiment pas de saison – de cette ténébreuse affaire de drogue qui a placé, en 2007, la Mauritanie dans le cercle infamant des pays par lesquels transite la drogue vers l’Europe. Une Mauritanian connexion qui tarde à livrer (tous) ses secrets, malgré l’arrestation de plusieurs personnes, en 2007, libérées deux ans plus tard, pour être coffrés à nouveau ! Une affaire de drogue qui, aujourd’hui encore, s’avère être un véritable dédale.

Jusqu’au milieu des années 80, on expliquait certaines richesses en Mauritanie par l’exploitation, qui profitaient à certains privilégiés, des richesses halieutiques du pays. Nouadhibou, d’où est parti le scandale de la drogue, la révélation que la Mauritanie n’était pas épargnée par ce trafic d’ampleur internationale, était alors réputé pour ses armateurs qui ramassaient l’argent à la pelle, ses matelots prodigues et son luxe qui ne se retrouvait nulle part ailleurs, même pas à Nouakchott, la capitale du pays.

A 470 kilomètres de la Capitale, Nouadhibou était alors une ville féerique, une sorte d’ « île au Trésor », difficile d’accès pour les Mauritaniens vivant dans les autres « cités » du pays, et « ignorée », superbement, par ceux qui répugnaient à aller tenter Dame Fortune dans une ville où la pêche donnait au pays 30% de son PIB ! Mais aujourd’hui, Nouadhibou n’est plus ce qu’elle était hier.

Le secteur halieutique connaît une déprime que d’aucuns considèrent comme le résultat d’une surexploitation de nos ressources maritimes, elles-mêmes une conséquence négative d’une politique des pêches irréfléchie menée par des pouvoirs qui n’avaient devant les yeux que le profit immédiat qu’ils tiraient d’Accords de pêche avec l’Union européenne, de la vente de licences « licencieuses » autorisant tous les agissements répréhensibles, au niveau de l’exploitation de produits à forte valeur commerciale, et de complicité avec des bateaux-pirates qui écumaient nos mers sans scrupules.

Alors d’où provient l’argent qui continue à faire vivre, sur le même rythme, quelques nababs de Nouadhibou ? Personne n’a semblé remarquer que les répercussions négatives de l’épuisement des ressources halieutiques du pays n’ont touché de plein fouet que les populations. La high, évidemment pas toute, semble avoir opéré une reconversion. Mais dans quel domaine ? L’affaire de la drogue a constitué un élément de réponse. Mais le mystère demeure entier. Il est difficile de penser, comme l’avait suggéré l’ancien président Mohamed Khouna Ould Haidalla dont l’un des fils était impliqué dans cette affaire,  et qui est actuellement emprisonné au Maroc, que l’affaire de 2007 soit une « première ».

Même si les histoires de drogue, connues jusqu’à ce jour, ont porté sur un commerce interne artisanal, une consommation qui gagne du terrain certes mais ne faisant l’objet d’aucune ramification extérieure. On se rappelle, à ce sujet, l’histoire de ce Am, à la fin des années 90, qui a conduit à l’arrestation et à l’emprisonnement de plusieurs cadres et agents de la police nationale dont certains ont été réhabilités depuis. Quand on parle de la drogue en Mauritanie, on imaginait les trafiquants en Sénégalais, Gambiens, Nigérians ou Ghanéens, pas en Français et Belges et…Mauritaniens !

C’est cette dernière réalité qui fait frémir aujourd’hui ceux qui ont du mal à accepter que la Mauritanie est entrée de plain-pied dans la mondialisation. Avec ses hauts et ses bas. Et que le trafic de la drogue qui rapporte gros n’est plus une affaire sous-régionale mais internationale. Surgit alors cette autre question : peut-il se faire sans complicités en très hauts lieux ? Quand on pense à la manière dont ceux censés garantir notre sécurité effectuent les « contrôles » sur les routes nationales, à l’entrée de nos frontières, on ne peut qu’émettre de sérieuses réserves sur la fiabilité de notre système de protection. Alors de là à penser que le trafic courait depuis plusieurs années et que c’est un pur hasard qui nous a fait découvrir cette « mauritanian connexion », il y a un pas que certains n’hésitent pas à franchir allégrement.

Nous ne disons pas que nous sommes devenus un pays comparable à la Colombie, où les narcotrafiquants règnent en maîtres, défiant l’autorité de l’Etat tous les jours, inondant le marché nord-américain et européen avec leur marchandise de la mort, mais il est nécessaire que l’enquête en cours – et qui a ramené en prison certaines personnes arrêtées en 2007 puis libérés – tire au clair les fils emmêlés de cette affaire et nous prémunir contre les « Fleurs du Mal ».

 

 

 

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